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MONROSE


tête baissée dans le piége : Saint-Lubin avait tracé le plan de toutes les noirceurs ; Brigitte s’était chargée des pas et du travail nécessaires pour que la candide Charlotte fût abusée ! Saint-Lubin, pour son compte, sentait bien qu’il lui serait impossible de vivre libre dans une ville où plus d’une mauvaise affaire encore l’exposait chaque jour à rentrer dans les cachots : il brûlait donc de s’expatrier. Sir Georges voulait bien l’emmener comme lettré, promettant de le pourvoir convenablement à Londres. Mais, pour que la vengeance du gredin fût complète et qu’en même temps il liât mieux son protecteur, il convenait que celui-ci lui dût les faveurs de miss Charlotte. Il l’échauffa donc sur cet objet : « Trop heureux, lui disait-il, de ne pas épouser cette errante beauté dès longtemps tarée : vous seriez bien dupe de ne pas vous la donner ! Qu’y risquez-vous ? Elle rirait bien à vos dépens si vous la rameniez en Angleterre avec le scrupule d’un sot chevalier de la Table-Ronde ! Qu’elle vous aime ou non (cependant elle serait bien difficile si elle ne rendait pas justice à vos agréments), il faut que vous l’ayiez pour forcer son estime. » L’ardent baronnet, déjà trop frappé de mille charmes, n’avait guère besoin d’être excité par de pareils