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MONROSE


peine j’ai prononcé ces derniers mots, auxquels j’étais bien éloignée d’attacher quelque maligne idée, que miss Charlotte, s’étant jetée sur moi, me ferme la bouche d’une de ses mains, et de l’autre voudrait me boucher les yeux. Je résiste à cette extravagance. « Pour Dieu ! ne me regardez pas ! s’écrie-t-elle ; fermez les yeux jusqu’à ce que je sois sortie !… Ah ! malheureuse Charlotte ! il a tout dit !… » La force lui manque avant d’être à sa porte ; elle se laisse aller, évanouie, dans un fauteuil. Je sonne ; on lui donne du secours… Milady Sidney, par bonheur, n’est pas encore de retour d’une course commencée dès le matin et dont les perquisitions sont l’intéressant objet. Le désordre de miss Charlotte réparé, j’ai le temps encore d’être seule avec elle, et d’apprendre tout ce dont assurément l’honnête d’Aiglemont ne m’avait rien dit. Je frémis du peu de politique et de l’orageux caractère de cette fille, capable de se perdre par ses éruptions de sentimentage dangereux. Je lui fais sentir à quel point pourrait la compromettre un si mauvais emploi de sa délicatesse et de son ingénuité ; je lui fais en un mot jurer de ne trahir sous aucun prétexte un secret que j’aurais dû moi-même ignorer, et qu’il faut dérober à toute la terre.