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MONROSE


conservé dans son âme quelque étincelle d’une pure tendresse, dont, à proportion qu’il devenait malheureux, il s’était de plus en plus reproché d’avoir méconnu le prix. Rongé de remords, dès que la tempête des excès ne pouvait plus le distraire, M. de Senneville s’était rapproché de son ancienne maîtresse. Il y avait pour lors deux ans que j’étais à Paris ; mais un portrait peint par ma mère, qui vivait du médiocre talent de la miniature et des fleurs, m’avait fait connaître à l’auteur de mes jours. Il avait gardé cette effigie ; il me la faisait voir… Dès ce temps-là, dis-je, il avait été question de renouer ; mais ma mère, sentimentale à l’excès, et qui s’était fait une vertueuse habitude de son indépendante obscurité, répugnait à s’assujettir pour un peu de lustre et d’aisance ; cependant elle avait, par contre, un important devoir à remplir envers moi, celui de me faire retrouver un rang honnête dans la classe des citoyens. Elle ne s’était point encore décidée, quand un ordre aussi cruel qu’imprévu força M. de Senneville à repartir pour aller servir en Amérique. Mademoiselle Dumeix s’était bien gardée de déclarer à mon père quel séjour j’habitais, de quelle profession j’y faisais l’apprentissage, et de m’apprendre quels retours heu-