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MONROSE


j’entends n’est pas mariée, je crois… Je l’ai vue à la dérobée, il y a deux ans. Le nom de Dumeix vous est-il connu ? — C’est ma mère, m’écriai-je avec le transport d’un jeune fou qui ne se sent pas qu’il avoue la tache de son illégitimité. — Chut… (Mettant le doigt sur ma bouche et me prenant la main ; puis, d’un ton plus bas :) Viens demain matin, mon jeune ami, me parler… dans cette chambre… » Du pont il me la montrait… Sa main frémissait en pressant la mienne… Son œil fixe était humide de joie ; ses joues semblaient pétiller d’émotion. Ne le devinez-vous pas, madame ? ni vous, monsieur le chevalier ? Cet officier était mon père !

« À vingt ans, militaire, léger, sans morale, entiché des sots principes de la disproportion, si favorable à la cruelle ingratitude, M. de Senneville avait séduit la trop crédule lectrice de sa mère ; depuis il l’avait totalement négligée, jusqu’à ce que quinze ans après, à demi-ruiné, trompé de mille manières par des femmes sans mœurs et par de perfides amis, il se souvint enfin qu’une patiente créature, qui, loin de chercher à se venger, ne l’avait pas importuné d’une seule plainte, pouvait exister encore ; peut-être cette malheureuse Ariane aurait-elle