d’avance du crime de devoir respirer, je fus
nourri, et pauvrement, mais honnêtement élevé
sous le titre de neveu, par ma laborieuse mère,
jusqu’à l’âge où l’on songe à l’état futur d’un
enfant. À cette époque, elle préféra pour moi la
profession de chirurgien, comme plus décente
qu’un métier, et en même temps non-seulement
utile, mais de nature à procurer un jour au
talent une raisonnable aisance. On me plaça
conséquemment chez un maître perruquier de
Paris, sur le pied de major[1]. Au bout de trois
ans, si beaucoup d’application m’avait rendu
passablement habile dans l’art des pansements
et la dissection, j’avais fait des progrès plus
étonnants encore dans la partie de l’accommodage.
J’étais idolâtré des femmes, j’aimais à les
coiffer. Une d’elles, à son tour, se coiffa de
moi : c’était une actrice italienne qui, se donnant
un an de vacances, passait par Paris pour
aller exécuter à Londres certains projets de fortune
fondés sur le double avantage du talent et
- ↑ On a nommé major, dans les boutiques de perruquiers, de pauvres étudiants en chirurgie qui, pour gagner la nourriture et le logement, rasaient et peignaient pendant tout le temps que leur laissait l’étude nécessaire à leur instruction chirurgicale. Les mêmes gens sont encore aujourd’hui majors, mais militaires, et même colonels : au besoin, ne seraient-ils pas ministres ?