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MONROSE


Elle m’étreint, me donne son âme dans un dernier baiser, et me chasse. « Adieu ! »

« La fenêtre, peu élevée, est franchie lestement ; me voilà debout dans le jardin sans m’être fait le moindre mal. À peine suis-je à dix pas, avec le dessein de regagner ma chambre, qu’à la faveur d’un faible rayon de la lune qui se couche, je vois venir à moi quelqu’un courant à toutes jambes : c’est le pauvre Julien. Sara le poursuit. « Prenez garde, mon cher maître, crie-t-il, elle m’a blessé… » Néanmoins je m’élance… À ma vue, cette femme, redoublant de fureur, a changé d’objet. Un couteau brille : c’est moi qu’il s’agit de frapper ; j’esquive le coup ; je la saisis, la désarme : elle tombe ; je cours au pavillon, entraînant comme je peux Julien, qui maudit de grand cœur l’honneur qu’il a eu de me représenter. Au surplus, le pauvre diable n’était blessé que légèrement à la main, d’un coup qu’il avait eu le bonheur de parer.

« Quand nous fûmes renfermés et un peu remis de nos respectives alertes, je voulus savoir les particularités de sa bonne fortune, dont j’étais bien éloigné de soupçonner encore toutes les disgrâces. Le détail en fut court : il avait trou vé dans le lit une femme si endormie, si bizarre-