voit chaque jour, s’applique à gagner mon amitié :
sa conduite l’en rendait bien digne ! Aux
approches du terme fatal, il me prévient que ma
délivrance sera déguisée sous la forme d’une
opération devenue indispensable, et à laquelle
dès lors je dois feindre d’avoir bien de la peine
à me résigner ; au surplus, il s’engage par serment
à sauver toutes les apparences, et à prendre
tous les soins qui doivent assurer ma vie,
celle de ma progéniture et mon honneur. Toutes
les horreurs de ma cruelle situation me sont
ainsi sauvées. Je mets heureusement au monde,
dans le plus grand secret, le fruit honteux de
mon inexplicable égarement. Le docteur, qui
me paraissait à cette époque le plus heureux
des mortels, reçoit ma fille au nombre de ses enfants ;
il la fait nourrir, élever comme telle.
Notre amitié pouvait comporter et rendre vraisemblable
pour moi cette vertueuse conduite ;
mes légitimes bienfaits m’acquittent, mais ne
peuvent exprimer assez bien, à mon gré, l’infinité
de ma reconnaissance. Il m’aide à me persuader
que milord ignore, qu’il ignorera toujours
l’existence de cet enfant du crime, dont
pour moi-même le père est un inconnu.
« Plusieurs années se passent ; mon sort ne change point. Si, de la part de mon époux, je