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MONROSE


de l’Angleterre, une si longue absence, tant d’oppositions d’intérêts et de sentiments pouvaient, devaient avoir éteint de part et d’autre, faute d’aliment, ce feu dont nous avons vu une mère, un fils, un ami s’embraser dans un moment solennel. Quand on s’estime, on juge volontiers du cœur d’autrui par le sien propre. Moi qui n’avais jamais eu, comme on sait, le préjugé de la force du sang, si j’aimais tendrement Zéïla, ce n’était point parce que par hasard nous étions sœurs, mais parce que le plus doux rapport m’attachait à elle par les nœuds de la sympathie. L’état apparent du cœur de Monrose relativement à sa mère avait donc un sens pour moi ; sans plus d’éclaircissements, je m’y étais bornée. D’un autre côté, mes voyages, l’état continuel de dissipation où je m’étais appliquée à vivre, n’avaient pas permis que j’eusse avec ma sœur une correspondance bien suivie, ni surtout dans laquelle nos affections secrètes fussent traitées à fond. Nos âmes ne se ressemblaient que par leurs sentiments. J’étais libre : ma sœur avait un époux et des devoirs ; j’avais été constamment heureuse : elle avait éprouvé bien des malheurs. Enfin, je vivais dans le sein du luxe et des plaisirs de tous genres : son étoile, après l’avoir arrachée