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MONROSE


n’en est point un ; autrement vous me trouveriez toujours renfermée dans les règles de l’art, affectant de conserver au même personnage, pendant le cours de son rôle, le caractère dont il m’aurait plu de le revêtir. Or, cette persévérance n’est point dans la nature ; celle-ci ne se trouve jamais peinte dans les romans : c’est dans ce sens qu’ils passent avec raison pour ne donner que de fausses idées et pour gâter les bons esprits. L’histoire, telle que je me pique de l’écrire, n’a pas cet insidieux défaut. On y voit partout l’homme (et la femme, bien entendu) varier sans cesse, et c’est la vraie nature incontestablement. L’homme est un tel animal, que ce qui le passionne aujourd’hui, peut lui être demain de la plus complète indifférence.

L’imagination ou les préjugés peuvent élever chez nous de hauts échafaudages : le moindre choc d’une situation imprévue, d’une passion violente, les fait écrouler. Le vœu d’une énorme pierre qui gît sur la surface de la terre, serait de se précipiter jusqu’au centre, s’il y avait moyen. Cependant on destine la lourde masse à couronner le faîte d’un édifice élevé. On la façonne, on la lie : elle monte, coûtant bien de la fatigue et des sueurs aux ouvriers ; mais à moitié chemin la corde se rompt, et plus prompte