les, ne sachant à laquelle entendre, contrarié
par leurs rendez-vous croisés, tantôt troublé,
comme par miracle, dans le tête-à-tête qui semblait
devoir être décisif, tantôt se voyant rendre
la main dans quelque instant malheureux
où son amour, comme on le savait très-bien, ne
se mettrait pas au galop sans s’abattre. Le pauvre
fou trouvait ainsi dans son bonheur même
un véritable supplice. Plus on savait pouvoir
feindre impunément avec lui les transports de la
passion, plus on redoublait d’agaceries. La jalousie
jouait aussi son rôle à merveille. Si l’une
des espiègles pouvait mettre le vieil invalide en
défaut, elle l’accusait aussitôt de la trahir au
profit de ses rivales ; tout, jusqu’à de perfides
familiarités, qui ne peuvent avoir de délices que
pour les êtres infiniment sensibles, et quand
elles doivent aboutir au comble du bonheur,
tout dégénérait en torture pour le vaniteux
vieillard. Il n’y avait de réel dans ses bonnes
fortunes que les humiliantes complaisances
auxquelles on le soumettait, et les fréquents sacrifices
qu’arrachait, moins à sa générosité qu’à
son orgueil, l’exposition de quelque fantaisie de
nippes, de chiffons, ou le reproche qu’il aimait
mieux celle-ci, celle-là, pour laquelle il avait
fait venir telle pièce de mouchoirs ou telle étoffe.
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MONROSE