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MONROSE


peu mystique, elle s’était volontiers laissé persuader qu’un amour tel que le nôtre, où j’avoue que je mettais infiniment moins qu’elle, devait exclure jusqu’à l’ombre d’un sentiment favorable pour le sexe au menton barbu. Sur ce pied, le plus bel homme, le plus aimable, paraissait non-seulement déplaire, mais répugner au préjugé de ma scrupuleuse vestale[1]. Elle ne voyait au monde que moi, ne vivait que pour moi, trouvait tout en moi : j’étais son centre, sa fin, sa divinité. Monrose n’était pas homme à respecter ce système fantastique. Il est vrai que, de mon côté, je n’étais pas femme à entretenir une erreur aussi pitoyable plus longtemps que pourrait me durer mon féminin caprice ; mais il était encore dans toute sa violence. Or,

  1. Il n’y a plus que de grossiers ignorants qui croient qu’une vestale était un être sourd en tout point au cri de la nature. — Non, messieurs, les vestales n’étaient pas de la monstrueuse insensibilité que votre préjugé leur suppose ; elles aimaient, elles désiraient ; elles avaient de voluptueuses jouissances : leur vœu consistait seulement à ne point souffrir que le souffle d’un être masculin souillât leur flamme épurée. Nos Saphos modernes seraient de véritables vestales, si elles s’en tenaient à leurs féminins mystères ; il en existe quelques-unes de ce genre, mais fort rares, dans cette Babylone qu’on nomme Paris. Du reste, Il faut avouer que la plupart font feu de tout bois, ce qui, loin de caractériser la vestale, est un fleuron de plus à la couronne de catin.