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MONROSE


sa protégée, elle l’unit avec celle du comte, qui, pour qu’il n’y eût plus à reculer, prit un bon baiser sur les lèvres d’Armande et lui mit au doigt un riche anneau. « Nous voilà mariés, dit-il ; l’amour et le temps feront le reste : n’en parlons plus. »

« Il était aisé de voir que cette brusque alliance enchantait secrètement une pauvre fille qui, deux heures plus tôt, se voyait à la merci du sort, et réduite à dépendre d’un homme qu’elle avait offensé ; la nécessité ne devait pas être, pour elle, un motif moins pressant que, pour le comte, la nouveauté et l’impossibilité de vivre sans être occupé d’une femme. Je fus au surplus fort content de la manière dont Armande se conduisit. Elle n’était réellement pas sans un fonds de délicatesse et même de dignité naturelle : avec de l’esprit et de l’éducation on est toujours convenablement en scène.

« Il y avait là mon forté-piano. Madame Faussin dit qu’Armande y était fort habile. Nous la priâmes de toucher ; elle le fit avec autant de grâce que de talent. Le comte, fou de musique, redoublait d’amour à chaque mesure d’une difficile sonate de Bach, son auteur favori, qu’Armande se trouva savoir par cœur. Elle chantait aussi : deux airs d’un bon choix,