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MONROSE


ficiers s’était soulevé. Au surplus, Carvel était brave : il se battit et tua son principal délateur ; cette action lui fit trouver grâce dans l’esprit de ces êtres modérés qui ont quelque indulgence pour les gens un peu corrompus, quand d’ailleurs on leur suppose un naturel passable, et que de bonnes qualités rachètent certains vices.

« Ayant rencontré Carvel à Paris, presque aussitôt que nous y sommes revenus nous-mêmes, j’avais renoué connaissance avec lui. Dès le premier jour il m’apprit que devant jouir tôt ou tard de quelque fortune, et n’ayant du goût ni pour le travail, ni pour aucune espèce d’état, il passait gaiement sa vie à Paris parmi les filles et les joueurs. C’était se donner gratuitement pour être de bien mauvaise compagnie. L’étourdi me fait des questions à son tour. Comme l’état qui nous fait vivre n’est qu’un rôle de comédie qui ne remplit pas toutes les heures du jour, moi, qui me crois bourgeois de Paris dès que je ne suis plus en fonctions de valet de chambre, je ne confiai point à Carvel que je servais un maître ; mais, sans lui mentir, je lui dis que je dissipais gaiement aussi les profits de quelque industrie qui suppléait, en Amérique, à la modicité de ma paye. En effet, monsieur, il n’y a pas de position où il ne fasse bon être