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MONROSE


veur, elle quitta le chapeau de paille à la Jeannette[1] et le fertilisant arrosoir ; nous allâmes occuper, à cent pas du pavillon paternel, un petit cabinet, à la vérité garni d’un lit de repos assez commode, mais auquel d’ailleurs quatre chaises de jardin, une simple table et plusieurs sentences peintes avec quelques enjolivements sur les murs, donnaient l’air d’un manoir purement philosophique.

« — Chevalier, me dit la jeune personne, ce n’est pas tout à fait par hasard que nous sommes ici : l’heure, le lieu, notre tête-à-tête, qu’aucun contretemps ne troublera, tout cela est l’effet d’une combinaison dont je vais vous expliquer les motifs avec une franchise que vous n’aurez assurément rencontrée chez aucune femme. Quoique jeune (elle paraissait avoir dix-sept ou dix-huit ans), je pense déjà depuis quelques années. Je n’aurai point de fortune, j’aime la liberté, je ne serai donc jamais mariée. Je connais de l’amour ce qu’en ont dit sur tous les tons les romanciers et les poëtes ; il est facile de croire à ses malheurs : je les ai reconnus, tels que ces gens-là nous les

  1. Dans ce temps-là, c’était un chapeau dont deux rubans rabattaient les ailes à droite et à gauche, et se nouaient ensuite sous le menton.