Page:Nerciat - Monrose, 1871.djvu/332

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
MONROSE


lève furieux. « Il est fou ! » La remarque m’irrite encore davantage. Je la couvre d’un regard foudroyant ; cependant une larme trahit ma faiblesse ; je me sens avec dépit une bien singulière espèce d’attendrissement, puisque je bouillais en même temps de rage. Je veux sortir de cette chambre funeste ; Mimi, à genoux, s’efforce de me retenir… Mes pas l’entraînent sur le tapis ; elle est en larmes à son tour. Mon cœur se brise ; je me fais des reproches. Mimi gagne son procès : je ne vois plus en elle qu’une folle, capricieuse mais tendre, de qui ses lubriques erreurs ne doivent point faire penser que son cœur n’est capable d’aucun bon sentiment. Je la relève tremblante, presque évanouie : hélas ! le peu de force qui lui reste est pour me presser contre son cœur ; elle mouille de ses larmes une joue sur laquelle elle vient de coller la sienne, craignant avec raison que ma bouche ne refusât ses baisers. Je la porte au lit ; je l’y couche ; ses bras me retiennent : nos pleurs se mêlent[1], mon cœur palpite vivement sous la

  1. Ici Monrose paraîtra bien faible à ceux qui n’ont pas un excès d’amour des femmes, et par conséquent un inépuisable fond d’indulgence pour elles. Notre héros sera du dernier ridicule aux yeux de ces gens du siècle à qui le crime de lèse-amour-propre semble être le plus atroce et le seul qu’il soit impossible de pardonner.