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MONROSE


être de la part de Nicette plutôt un procédé galant qu’un sournois attentat…

« — Quoi ! m’écriai-je, l’interrompant, cette fille, cette amante éperdue qu’outrage votre bonheur ! Elle… Serait-il bien possible que j’eusse deviné !… — Vous pouvez tout conjecturer. Oui, ma chère comtesse, pourquoi n’en pas trancher l’humiliant aveu ! Cette fleur idéale que ni Carvel, ni le père principal, ni le lord Kinston ne purent m’arracher, une femme ou plutôt un démon ose essayer de la surprendre, et mon frénétique bonheur, mon délire extatique lui permettrait d’y réussir, si le seul hasard de ma conformation n’y mettait un invincible obstacle ! C’est ainsi que la perfide Nicette méditait de se venger à la fois et de celle qui me préfère et de moi, qu’elle voit préférer. Quelle humiliation intérieure lorsque enfin je réfléchis ! Que je me hais surtout lorsque je dois m’avouer que, de peur de perdre la moindre douceur du crépuscule de ma jouissance, je n’avais pas la vertu d’écarter l’infâme Nicette, et demeurais sa conquête assez longtemps pour que madame de Moisimont eût enfin le temps de s’apercevoir d’un travail qui pouvait aboutir à me déshonorer ! »