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MONROSE


madame de Liesseval et Monrose, une explication où je les aurais malignement embarqués, et qui m’eût fort amusée. Au surplus, des regards tour à tour dédaigneux ou foudroyants, tournés de temps en temps sur ce pauvre chevalier, m’apprenaient qu’on l’aimait encore assez pour lui faire l’honneur de le haïr : il fallait bien d’ailleurs, pour cajoler par ricochet le prétentieux vétéran, victimer sous ses yeux une adorable créature, à propos de qui le moindre air plus gracieux pouvait faire naître, chez le vieillard, une dangereuse jalousie. Si Monrose eût été assez roué pour analyser ce manége, ou assez méchant pour vouloir s’en venger, sans doute que, jouant le léger, l’avantageux, il eût pu, par quelque fine impertinence, se faire raison de l’hostile madame de Liesseval ; mais avec un si bon cœur et, surtout alors, si candide, il aima mieux ne rien laisser paraître de ce qu’il était si bien en droit d’afficher. Certain air de pénitence et presque d’intercession, qui ne pouvait avoir aucun sens pour le vieux lieutenant général, eut bientôt émoussé les traits d’un ressentiment factice. L’imprudente Liesseval, rassurée (car sans doute elle avait commencé par craindre), redevint par degrés naturelle, adressa la parole ; on lui répon-