que j’eusse sur la terre. Veuve au bout de
moins d’une année, je me trouvai, comme
la feuille détachée de l’arbre, jouet de tous
les vents. Ils me transportèrent en France,
où, contente de peu, mais parfaitement
libre, je vois s’effacer insensiblement, sous
la lime du temps, les profondes impressions
de mes anciens malheurs. Dès longtemps
je n’ai plus qu’un souci : celui d’éviter un
homme qui semble ne vivre que pour remplir
le rôle de mon opiniâtre persécuteur.
Prince, je supplie monsieur de Schimpfreich
de s’expliquer enfin en votre présence. Veut-il
s’obstiner à me poursuivre ? c’est moi dès
lors qui, sans asile, rompant tous les liens
de mes habitudes, vais courir l’univers avec
l’anxiété de la perdrix sans cesse menacée
des serres d’un impitoyable vautour… Ou
le cœur de monsieur le comte est-il enfin
susceptible de quelque sentiment généreux ?
qu’il jure devant vous de renoncer à
sa tyrannique poursuite : alors je pourrai
quelque jour le plaindre, et peut-être enfin
l’estimer.
Le Comte (avec dédain). — M’estimer !… (Son regard, frappant de colère et de mé-