lalie eût cessé de vivre. Je me remis à
parcourir le monde, me flattant qu’un jour
peut-être un de ces événements extraordinaires
qu’on voit de temps en temps
arriver pourrait me la rendre. Je fis serment
de lui conserver ma main et ma fortune.
J’erre depuis lors, entretenant une
ivresse factice, abusant de tout sans jouir
de rien, cherchant à savoir si c’est tout de
bon qu’on ne peut être heureux ici-bas, ou
s’il est réservé aux seuls infortunés, dont le
cœur est ouvert au mépris d’eux-mêmes et
au remords, de ne trouver au sein des
jouissances que l’ennui, le vide et la mélancolie.
C’est par une suite de ces tristes
idées, mon prince, que je doute de tout ce
qui paraît faire le bonheur d’autrui, que je
n’ai pu croire, par conséquent, à cette félicité
rassasiante dont vous m’offriez l’image
quand vous prétendiez que vos Aphrodites
ou Morosophes opèrent entre eux des prodiges
de jouissance et de volupté.
Le Prince. — Je voudrais, comte, qu’il fût aussi possible de remettre en vos bras votre Eulalie qu’il le sera de vous prouver que nous buvons à longs traits dans la