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LE DIABLE AU CORPS.

La Marquise, plus heureuse et, pour dire vrai, qui a moins mérité d’être punie par la Nature, conserve ou plutôt augmente le trésor de ses agrémens. Depuis le dernier excès que nous lui avons vu faire, elle ne s’en est permis aucun ; elle vit avec Pasimou ; le trompe ; en est trompée ; mais ils s’aiment de maniere à ne pas se séparer de long-tems. D’ailleurs, l’excellent cœur de la Marquise rend à son sigisbé leur union fort utile. Afin de mieux jouir de sa société, elle l’a fait sortir de son Régiment et placé dans les Gardes-françaises. La finance de l’emploi n’a pas été, pour cette femme généreuse, un obstacle à sa tendre fantaisie[1] : très-sages en ceci, ces amans se sont fait le serment réciproque de ne se marier jamais.

Félix, avec la permission de sa maîtresse, a pris un emploi de sous-écuyer chez un gentilhomme qui se croit grand Seigneur, parce qu’enrichi par les dés, il a de quoi montrer du faste et se donner, sous de beaux noms, une douzaine de courtisans-domestiques. Félix, malgré son

  1. Que la marche de la fortune est bizarre ! Pasimou, libertin, homme de bordel la nuit, mais de jour, homme de bonne compagnie, trouve à travers le désordre d’une orgie, l’être qui doit faire son bonheur. — Des gens à bonnes mœurs, à conduite prudente, peuvent passer leur vie à édifier la société. Nulle chance, cependant, ne tourne à leur avantage !