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LE DIABLE AU CORPS.


instant de son joli bien. « Voulez-vous m’attendrir ? — Que dois-je faire, adorable Taverniere ? — Avec moi, d’abord ? — Ah ! de toute mon ame. — Voyons donc. » Elle est déja plongée dans la profonde bergere, le corps et la tête portant sur le coussin, les jambes en l’air, montrant à la vérité deux routes ; mais plus distinctement celle où Chiavaculi, fidele à son vœu, ne fit jamais aucun voyage. À l’aspect de cette lice vermeille dont les fatigans travaux de la nuit avaient dilaté les levres, le juré Pygolatre recule de trois pas. « Ne craignez rien (dit alors la matoise qui devine son idée ; en même-tems elle couvre d’une main l’objet détesté.) Venez maintenant. Le reste est entiérement à vos ordres. — Cette maniere de me l’offrir (dit-il) est, je vous l’avoue, sujette à caution. — Chacun a ses habitudes. J’aime à voir en face les gens que je daigne favoriser. Mais, venez-vous ? » Ce n’est pas sans un peu de défiance que, malgré le charme du plus séduisant œillet, le Comte cornu fléchit d’abord un genou… puis l’autre… puis se laisse diriger par des doigts d’une touchante complaisance vers le but. Il le touche ; déja son heureux boute-joie s’y sent engagé… Défiez-vous, cher Chiavaculi, de cette main fripponne qui retient encore votre dard. Vous donnez dans un piege : le tour le plus funeste à votre goût, à votre serment, va vous faire repentir de l’audace avec laquelle vous osez ainsi

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