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LE DIABLE AU CORPS.

Que la reconnaissance est une belle vertu ! « Je n’ai pas voulu (dit la bohémienne après coup) te déranger quand il t’a plu de recommencer, autrement je t’aurais proposé de te dédommager ici ; (elle faisait volte-face) car après tout, il faut bien que je convienne… — Vous n’y pensez pas ! (disait le Moine, feignant le désintéressement.) Point du tout : j’étais comblé ; cependant, je ne refusai jamais… » En effet, avant que ces complimens ne fussent achevés, la complaisante Bohémienne était empalée : elle fila l’arriere-bonheur du Porte-faix en femme qui n’était pas non plus novice dans ce genre de phallurgie.

Cependant Junon et la Cabaretiere avaient déja passé des bras des deux Heiduques, trois fois éprouvés, dans ceux du Chasseur et de Zamor. Celui-ci avait l’honneur de servir l’Altesse ; la Cabaretiere était aux prises avec le beau Chasseur : ce qui devenait pour tous quatre une piquante nouveauté. Les grivois ne voulant point déroger à l’édifiant exemple de leurs devanciers, fournirent tout aussi lestement une triple carriere. Deux sauteurs leur succéderent aussi-tôt.

Il était assez plaisant de voir les deux actrices, qui s’ébattaient côte-à-côte, se regarder curieusement et se donner des louanges, méritées, il est vrai. « Je n’aurais jamais cru (disait Junon) qu’une Française pût avoir ce précieux tempérament. — C’est bien plutôt à moi de m’étonner