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LE DIABLE AU CORPS.

LA MARQUISE, lui prenant la main.

Écoute, ma tendre amie : crois que, sans compliment, je suis toujours et serai la même à ton égard. Mais ne peut-on s’aimer, ne peut-on être heureuses sans donner dans ces travers prodigieux, dont le souvenir que tu viens de mettre au jour nous fait à toutes deux un honteux reproche ! Les excès…

LA COMTESSE.

Je n’en connais point, Madame. On n’a jamais assez de plaisir.

LA MARQUISE.

Je ne suis pas de cet avis. On peut en avoir trop et perdre par-là le charme du desir, plus précieux que le plaisir lui-même. Quant à moi, je suis incapable, il est vrai, de varier dans mes goûts : les délices que j’aimais me seront toujours infiniment cheres ; mais, sans rien changer au fond de mes habitudes, je me propose assurément de changer beaucoup à leur forme. En un mot, désormais je veux du choix, des bornes et du mystere.

LA COMTESSE.

Fort bien : c’est-à-dire, de la politique, de la bégueulerie et de l’hypocrisie. Miséricorde ! vous êtes, ma chere Marquise, une femme noyée !

LA MARQUISE.

Tu verras le contraire. Essaye toi-même

d’être