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LE DIABLE AU CORPS.

HILARION.

Eh non ! nous sommes seuls.

LA MARQUISE.

Ils nous observent, te dis-je. Parle bas… S’ils nous entendaient… Ah !… par bonheur… regarde… ils ne penseront plus à nous… Cela est fort pourtant… Tous les jours ils font de même !… et cela, sans égard pour moi… Voilà, depuis ce matin, la troisieme fois que celle putain de Nicole se le fait mettre… —

(Quel étrange délire ! Peut-il ne pas agiter les très-irritables fibres du révérend ! Ah ! son imagination, assez vivement libertine, n’a pas besoin qu’on lui trace de tels tableaux… Déja le front séraphique luit d’un cramoisi foncé ; déja l’on verrait, sous la peau de ses tempes, battre, avec précipitation, l’artere engorgé d’un sang mousseux.) —


Au fond,

(ajoute-t-elle comme
à dessein, et riant :)


leur tracas m’amuse, et je suis bien étonnée que nous n’ayons pas encore eu le bon sens de les imiter ! —

(Pour le coup, la botte était meurtriere : le diable pouvait-il imaginer un tour plus fin pour pervertir un Moine ! Hilarion sent, sous sa lourde jaquette, l’ennemi de la chasteté lever sa tête impudique et quitter son demi-capuchon. En vain, d’un regard ordonné par le dernier cri de la raison, le paillard contemple la dégoûtante difformité du plus effroyable masque : cette inspection ne suffit pas pour éteindre l’incendie que de trop vives images ont allumé. Le démon de la chair s’est saisi du sceptre,