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LE DIABLE AU CORPS.


un peu pour être mis pleinement au fait de cette rare aventure[1][2].

Le jour même que la Marquise arriva dans son château, comme elle mettait pied à terre, deux capucins-quêteurs, l’un révérend pere et hardi roulier de besace ; l’autre, novice imberbe, s’étaient trouvés là, soit par hasard, soit prévenus ; mais du moins avec l’intention de mendier (selon les statuts de l’ordre) quelque secours pour le couvent. Or, quelque changée que fût déja dans ce moment notre belle voyageuse, sa vision fut pour le luxurieux besacier celle d’un ange descendu du Ciel. Depuis que, député de sa communauté pour la collecte des pieuses impositions, il rodait sans relâche les bourgs, les villages et les métairies du canton, il avait sûrement acquis quelque tact en fait d’agrémens féminins ; (d’ailleurs, on verra que le sire était d’étoffe à trouver de l’emploi près du beau sexe.) Cependant, jamais il n’avait rien vu de comparable à notre petite-maîtresse, dont la seule tournure, si délicieusement fille, était capable de

  1. Le lecteur fera bien de la franchir, ainsi que presque toute la suite, jusqu’à la fin du Volume, à moins qu’il ne soit persuadé de ce qu’a dit Boileau, d’après Horace :

    Point de monstre odieux
    Qui, par l’art embelli, ne puisse plaire aux yeux.

  2. On trouve encore ici (apparemment pour les mêmes raisons qu’ailleurs) le récit substitué au dialogue. (Notes des Éditeurs).