se croyaient à peu près dispensés de se gêner devant
elle. Ses superbes yeux enflés et fermés ; sa
tête, la plupart du tems égarée, donnaient lieu
de supposer qu’elle ne devait plus rien savoir de
ce qui se passait autour d’elle. L’occasion sans
cesse présente et le besoin de se distraire invitaient
donc ses inflammables serviteurs à se donner
de vives et fréquentes preuves de leur goût parfaitement
réciproque. Il est vrai que, le plus
souvent, leur maîtresse n’avait aucune connaissance
de ces transports peu respectueux ; quelquefois,
cependant, elle se trouvait avoir assez de présence
d’esprit pour qu’elle fût parfaitement avertie
(du moins par ses oreilles) de ce qui se passait
autour d’elle. Mais loin de vouloir contrarier cette
grivoise intelligence, la bonne Dame recueillait
avec une secrete satisfaction, ce qui pouvait lui
parvenir de ces scenes de tempérament. Les vrais
amateurs ne les dédaignent, et sur-tout ne les
troublent jamais. La malade, en un mot, soit
goût dominant pour la chose, soit reconnaissance
envers ces bons enfans, desquels elle était si
contente, ne s’opposait… pas même à leurs plus
extravagans caprices. — Les choses en étaient là,
quand une circonstance, des plus bizarres, fit
naître un de ces événemens extraordinaires, qui
prouvent à quel point certaines gens, dont le
tempérament a des chaînes, sont attentifs à saisir
la moindre occasion de les briser. — Il faut reculer
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LE DIABLE AU CORPS.