Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
158
LE DIABLE AU CORPS.


elle se dérobe, s’empare du fameux godemiché qu’elle n’a pas un moment perdu de vue, le ceint, et dans un clin-d’œil vous cloue pardevant cette pauvre Nicole, qui déja n’ayant pas grand plaisir à l’être parderriere, trouve pour le coup sa position des moins agréable. Elle souffre, elle demande quartier, on ne l’écoute point, et c’est à qui la secouera davantage : ces quatre bras qui l’étreignent la fatiguent ; ces deux bouches qui tour-à-tour cherchent la sienne, ou se baisent en se rencontrant, l’excedent ; les fumées bachiques engendrent chez elle une sombre humeur ; elle se fâche : on se moque d’elle ; cette contrariété l’irrite : elle se débat, enrage de ne pouvoir se dégager, frappe enfin autour d’elle, et meurtrit le satin délicat de la galante Comtesse : celle-ci n’a garde de s’en fâcher, elle flatte au contraire, replique aux injures par des douceurs, et pour des coups de poing rend d’amoureuses morsures… M. Frédéric, moins tendre, se lasse le premier d’avoir les cuisses pincées, égratignées, les cheveux arrachés, et d’endurer en un mot, tout le petit mal qu’il est possible de lui faire. Il s’esquive et ménage si peu les deux autres figures de leur grouppe, que la Comtesse est jetée de côté, séparée de son godemiché dont les attaches se sont rompues, et qui reste planté chez Nicole. Celle-ci, sans penser à s’en défaire, court ainsi transfigée après Frédéric, qu’elle brûle de bien battre, mais elle fait un faux pas et tombe