la laisse courir seule… Zamor, poussé par cet
instinct qui nous tient lieu d’esprit pour tout ce
qui concerne la passion dont nous sommes dominés,
saisit l’expression furtive du mécontentement
de Philippine ; il se glisse adroitement à
la place du désarçonné Georges ; il fait si bien
qu’à peine a-t-elle le tems de remarquer un intervalle
et de suspendre ses mouvemens… mais
il faut bien qu’elle change d’allure et précipite la
cadence, quand c’est un boute-joie fougueux et
brûlant qui succede au médiocre joujou dont elle
vient d’être amusée…
Qu’il est flatteur ce soupir expressif qu’elle laisse échapper au moment où cette avantageuse différence se fait sentir ! Un doux frisson annonce aussi-tôt le retour de la volupté qu’un facheux contre-tems avait presque chassée. L’heureuse Philippine se renverse, ferme les yeux, souleve les reins, balotte son Zamor, soupire, se fond et meurt… Est-ce tout-à-fait l’ouvrage du tempérament, ou le brave Negre est-il pour quelque chose dans l’intéressant sacrifice qu’ils viennent «l’offrir ensemble au Dieu des plaisirs ? — C’est sur quoi le sacrificateur défiant ose interroger sa victime, en approchant avec une humble timidité ses grosses levres bronzées, des levres fleuries de l’angélique Philippine… Triomphe mille fois, heureux Zamor, ton baiser n’est point un larcin téméraire. Tu n’as pas effleuré le corail de cette