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LE DIABLE AU CORPS.


malgré sa rouille prétendue et l’indisposition du jour, chanta comme un Ange ; où l’écervelée Comtesse l’égala sur le forte-piano, au grand étonnement d’Adolph qui, d’après son air d’inattention et de caprice, avait faussement imaginé qu’elle ne pouvait avoir qu’un talent médiocre et peu de génie musical. — M. Frédéric joua, sur la flûte, un concerto brillant, en homme du pays[1], et qui, dès son enfance, avait su faire sa cour. — Mais ce fut sur-tout le surnaturel Adolph qui fit des miracles avec sa harpe, et qui réussit à rendre stupide d’admiration même l’infixable petite Comtesse. — Le concert finit comme il avait commencé, par une magnifique symphonie. — Après quoi toute la livrée musicienne fit retraite, et les élus (dont Philippine et Nicole étaient venues augmenter le nombre) passerent dans une piece où brûlaient des parfums délicieux.

À peine y a-t-on mis le pied qu’un rideau de taffetas, s’écartant en plis pittoresques, laisse voir, devant une table de bois précieux et dans le goût antique, la jeune Zinga (cette Négresse chérie du Comte) vêtue d’une simarre couleur de feu, bordée d’hermine, et coiffée d’une espece de turban enrichi de plumes et de pierres pré-

  1. Il était Prussien : tout le monde sait à quel degré de perfection le Roi philosophe avait poussé son talent de flûteur.