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LE DIABLE AU CORPS.


et, comme, toute morale cessante, il est un fort joyeux compere, il prétend que, cheminant le long du lac, à pied, son sac sur le dos, il chantait en pensant à ses fécondes Vaudoises : Il faut seconder la nature, puisqu’elle nous fait la loi.

LA COMTESSE.

Voilà qui est bien : mais par quelle aventure cet étrange personnage se trouve-t-il maintenant sous votre main ?

LE TRÉFONCIER.

Parce que c’est un des plus habiles musiciens que Prague ait produit : que je suis, comme vous savez, fou de musique, et qu’un amateur de mes amis a cru me faire un cadeau sans prix en m’adressant Adolph. Je suis tout de bon enchanté de me l’être attaché, pourvu néanmoins qu’il me laisse ma charmante Zinga tranquille. Je ne suis pas jaloux, car je lui abandonnerais volontiers le reste de mon petit sérail[1] ; mais une taille comme celle de Zinga

  1. Nous avons su qu’il étoit alors composé d’une Languedocienne, haute comme un grenadier, à la physionomie guerriere, au sourcil noir, au corps svelte, mais basanné : d’une Flamande, au cuir satiné, toute en cuisses, en tetons et en fesses, et remarquable par une superbe chevelure, couleur de queue-de-serin : d’une sauteuse Espagnole, qu’une chûte, quoique heureuse, avoit dégoûtée du métier : d’une Erigone Anglaise, habile à boire, à jurer et à franchir, à cheval, les fossés et les barrieres : d’un jeune Soprano Florentin, élevé par deux cardinaux, d’ailleurs excellent virtuose ; enfin, de l’incomparable Zinga. — Tous ces êtres-là vivaient d’autant mieux ensemble, que le