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LE DIABLE AU CORPS.


plus honnête homme) le faisait jouir de quelque considération. Reçu par-tout, il se mit à prêcher à la sourdine sa singuliere croyance : or, comme son énorme Docteur et lui valent, solidairement, un fort éloquent orateur, il parvint à convaincre cinq ou six pucelles du pays de Vaud, assez formées pour pouvoir raisonner et apprécier les avantages de son systême ; elles userent donc du bénefice des prétendus jours de la Nature, et pas une ne manqua, en conséquence de la dette de l’homme acquittée, d’accomplir, à plein ventre, la volonté de Dieu. — Scandale affreux ; enquêtes criminelles ; pauvres diablesses ignominieusement traduites au consistoire[1], emprisonnées, rasées, diffamées. — L’apôtre Adolph (bien entendu) poursuivi, décrété ; chaudement servi pourtant par quelques personnes de poids, ennemies du fanatisme consistorial et regardant notre homme plutôt comme un fou qu’il fallait envier ou plaindre, que comme un suborneur qu’on devait exterminer. — Bref : il est banni. — Croyez-vous que tout ce vacarme, et le danger qu’il a couru le désabuse et le mette enfin à l’unisson de la société ? — Point du tout : loin de s’attrister sur lui-même et sur le sort de ses infortunées prosélytes, il bénit le Ciel pour elles et pour soi ; soutient qu’ils ont fait, l’un portant l’autre, choses très-agréables à Dieu :

  1. Espece de tribunal religieux, où de sages ecclésiastiques (bien plus philosophes sans doute que les inquisiteurs Espagnols) font le procès au tempérament, avec toute la modération dont le Tréfoncier trace ici la véridique esquisse. Pour une faiblesse galante, il n’en coûte que… l’honneur.