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LE DIABLE AU CORPS.


de bouger. Il faut donc qu’il se résigne et darde dans cette bouche libertine le flot qu’on ne lui permet pas de répandre dehors. Avide de ce nectar prolifique, la Comtesse se garde bien de rien restituer. Cette premiere victoire remportée, elle se leve soudain, empoigne avec fermeté le trophée, se jette dans un fauteuil, entraîne sur elle le fortuné Belamour, et guide aussi-tôt le dard encore écumant contre certain orifice sur les levres duquel elle acheve de l’essuyer. Un frottement des plus vif obtient à l’instant un jet intérieur de cette liqueur dont la Comtesse porte des sources intarissables ; sur les bords ainsi lubrifiés, le boute-joie pressé, glisse et plonge à fond. Mais Belamour est délicat ; il n’est plus tems de faire le cruel ; cependant, il a l’amour-propre de vouloir toujours faire, avec distinction, l’office qu’exige de lui la position extrême où il se trouve. Fera-t-il les choses à demi ? C’est du plaisir réel qu’il doit à la généreuse Comtesse… Il prend son parti sur-le-champ ; il sait comment, au défaut des moyens ordinaires, (équivoques chez, lui pour le moment) il peut y suppléer, sur-tout avec la Comtesse, qu’il vient de reconnaître pour n’avoir perdu aucun de ses goûts. Belamour se dégage ; prompt comme l’éclair, tombe à ses pieds, prend sur chaque épaule une de ses cuisses d’albâtre, et lui rend, de la meilleure grace du monde, tout ce qu’elle vient de faire pour lui. — Ce dernier incident n’amuse pas infiniment le témoin caché (qu’on n’oublie point sans doute !) Cependant, la raison veut que la Marquise excuse cette infidélité forcée, et devenue nécessaire. La Comtesse, au moment de sa crise, bondit, se tord, sifle entre ses dents, sanglotte, mord un de ses bras, et mouille, selon son usage, la bouche du galant fellateur, qui, vaincu par l’exemple, n’ose

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