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LE DIABLE AU CORPS.

BELAMOUR.

Je ne dis pas cela ; mais si j’avais cette faiblesse coupable, je me la nierais à moi-même. —

                  (Cette fausseté discrete de la part de Belamour, et la duperie de la Comtesse font éprouver à la Marquise, dans son petit coin, un plaisir inexprimable.)

LA COMTESSE.

Tu n’es pas amoureux, soit ; mais si tu l’étais par hasard…

(Elle observe en souriant.)


Tu serais un grand sot, sur-tout si tu gardes le silence… Tiens, faut-il que je te parle à cœur ouvert ? C’est un conseil à la Minette, que je vais te donner. Les gens de bon sens foutent, et ne soupirent point…

BELAMOUR.

Quel acharnement à me supposer…

LA COMTESSE.

Épris de la Marquise ? Mais cela doit être. Tu ne peux t’en dispenser sans faire preuve de mauvais goût. Elle est charmante[1]. Hom-

  1. La Comtesse, qui ne sait point qu’elle est écoutée de son amie, la loue cependant devant un homme duquel elle vient de solliciter en quelque façon des complaisances qu’il lui refuse ! Ô femmes ! soi-disant vertueuses, qui ne parlez, gueres du prochain sans le déchirer, recevez d’une catin cette franche leçon, qui signale un cœur excellent, en faveur duquel on peut excuser bien des faiblesses. Oui : médisante et souvent calomniatrice honesta ! votre barbare austérité ne vaut pas le charitable relâchement de la Comtesse.