Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LE DIABLE AU CORPS.

LA MARQUISE, achevant.

Foutue. Apprends donc à parler et n’hésite pas à chaque mot, comme une pensionnaire de couvent. Ton cas est déplorable, ma fille. Et mon mari ne s’est pas éveillé ?

PHILIPPINE.

Il avait changé deux ou trois fois d’attitude, tout en dormant ; celle qu’il venait de prendre en dernier lieu me tentait fort. Il était sur le dos, faisant l’obélisque, comme vous appellez cela. J’ai pensé faire à M. de Molengin Pâliront de m’enfourcher sur son ami, et de me le mettre à sa barbe ; mais la crainte de quelque hoquet, et un reste de pudeur… Je me suis retenue.

LA MARQUISE.

Tu es une petite imbécile ; il fallait passer ton envie. Quant à moi, lorsque cela me prend (et c’est souvent, tu le sais) l’univers serait là, que je ne pourrais me contraindre ; il faut qu’on m’en donne jusqu’à ce que je dise assez. Il n’y a plus que les petits esprits qui puissent encore conserver des scrupules. Je suis sûre qu’avant peu d’années il sera d’usage qu’une femme demande la passade aussi librement qu’elle demande à présent une prise de tabac. Tout besoin commande, ma chere. Et quel besoin sur-tout commande aussi impérieusement que celui dont nous parlons ! Avec une faim canine, s’avise-t-on de jeûner ! Pourquoi ne se satisferait-on pas avec autant