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LE DIABLE AU CORPS.


leur. La Marquise, dont la tête s’est aussi montée, ne demeure point en reste avec le superlatif Belamour. Comme ils représentent, dans ce moment, des êtres enivrés d’une prodigieuse passion, ils se disent, à l’envi, toutes les extravagances que ce déréglement de cerveau peut suggérer. Le plaisir seul peut calmer cette tempête sentimentale. Cependant le cabinet de toilette n’est pas un théatre des plus commodes ; mais la Marquise, d’une propreté qu’elle porte à l’excès, n’a pas envie de salir les parquets, ni de semer sa poudre sur les meubles charmans des pieces voisines. Après bien des convulsions de baisers, de serremens de corps, et autres pantomimes passionnées, la Marquise s’accoude tout uniment sur la table de toilette en face du miroir. Le fortuné Belamour reprend avec délices ses droits de la veille ; il admire, en habilissime, les rondeurs encore inconnues que cette nouvelle situation lui fait observer : il y seme une grêle de baisers, puis il procede à la conclusion, sans l’ombre d’indécision, ce dont il semble que la Marquise veuille le remercier par un sourire tout-à-fait obligeant. Tandis qu’il est au vrai centre du bonheur, il a le surcroît de joie de voir, dans la glace, la physionomie enchanteresse de sa Dame, où se peignent, avec la plus vive expression, toutes les différentes nuances de la volupté ; les trésors de la gorge sont encore doublés par la glace, qui lui montre tout ce qu’il ne touche point. Leurs plaisirs sont inexprimables. Une seule éruption du fleuve de vie ne peut éteindre un incendie aussi prodigieux. C’est donc bien naturellement, et sans le moindre amour-propre, que Belamour double sans avoir marqué d’intervalle. L’amateur qui lira ceci (s’il est d’une certaine complexion et d’une certaine vivacité) sait bien que les

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