Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LE DIABLE AU CORPS.


C’était un jeune homme nouvellement passé maître, et qui n’avait, je crois, jamais trépané personne ; il était donc bien tenté de saisir sur l’heure une occasion aussi solemnelle pour faire un coup d’essai qui pût le mettre en réputation ; mais, par bonheur pour moi, sa prétendue l’en empêcha. Le quidam était sur le point (croyait-il) d’épouser la fille de la propriétaire chez, laquelle il louait son logement. La jeune personne usa de son crédit dans cette importante conjoncture, et s’opposa fortement à ce qu’on m’opérât avant que cela fût indispensablement nécessaire, et que sur-tout un confrere plus ancien eût ratifié ce périlleux arrêt.

LA MARQUISE.

J’aime le bon sens et l’humanité de cette jeune personne…

BELAMOUR.

Elle me sauva la vie, Madame. — Un vieux routier d’ex-chirurgien-major fut prié de venir. Ma tête épongée, visitée, tonsurée, celui-ci ne dit que ce peu de paroles : « Il est saigné ? de la diete, une nuit tranquille, et, demain, large comme un écu de taffetas d’Angleterre. » — Il fronce ensuite le sourcil, lance sur le frater un regard farouche, plie les épaules, tourne les talons et disparaît. L’oracle était sûr. Dès le lendemain je me portais à merveilles. Ainsi voilà, d’un mot du vieil expert, et le trépan qui devait me travailler, oisif ; et la corde qui devait, selon la douce M.me Cornu, serrer la gorge de son trop ombrageux époux, coupée. Celui-ci, sorti d’un cruel embarras,