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LE DIABLE AU CORPS.

BELAMOUR.

Perdu, Madame ! il avait pris tout ce qu’on peut prendre…

LA MARQUISE, avec intérêt.

Et vous ?

BELAMOUR.

Rien, par miracle. Mais je faillis tomber malade de peur ; car, d’après ce que mon camarade me disait, et ce qu’il me faisait voir, je compris qu’autant pouvait m’en pendre à l’oreille. Je courus chez un chirurgien ; il me trouva sain et sauf : mais l’affreuse description qu’il me fit du péril que j’avais couru me pénétra d’horreur : je jurai de ne m’exposer jamais à rien de semblable ; et de renoncer plutôt à toutes les femmes, que d’avoir, un seul moment, l’inquiétude des suites attachées aux faveurs de quelques-unes d’elles. Mon Esculape, après l’effet de certaines drogues dont il m’avait enjoint de me précautionner, eut beau m’assurer que je pouvais bannir toute crainte, je ne recouvrai point ma tranquillité : à la moindre démangeaison, je me figurais que le mal destructeur, retardé seulement par mon régime, allait se déclarer tout-à-coup sous toutes les formes possibles. Frappé du malheur de Gauthier, presque mourant à l’hôpital, je maudissais notre funeste aventure. Le malheureux l’était d’autant plus que, dès le lendemain de son empoisonnement, il avait répandu ces germes de mort dans les flancs brûlans de la luxurieuse avocate, qui, loin de