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LE DIABLE AU CORPS.

LA MARQUISE.

En effet, j’aurais dû m’en aviser. On n’a pas, à dix-huit ans, cette mâle vigueur… car tu es un Hercule, mon ami.

(Elle passe ses bras
autour de lui, et le couvre de baisers.)


Tu es donc décidément bardache ? Tu as mis tout-à-fait sous les pieds le honteux préjugé qu’on attache à cet état ?

HECTOR.

Je serais bien fou, ma foi, de m’y soumettre ! il n’y a qu’à laisser dire les scrupuleux ! qu’osera-t-on faire ici bas pour passer un peu gaiement sa vie ? Les anciens avaient plus de bon sens que nous : non-seulement ils toléraient, dans la société, les amours masculins, mais ils ne les excluaient même pas du culte religieux. Leur Jupiter ne préférait-il pas Ganymede, notre patron, à toutes les déesses de l’Olympe ? Leur Apollon ne vivait-il pas avec le charmant Hyacinthe ? et tout Dieu qu’est le pere de la poésie, ne le voit-on pas se désoler quand, d’un coup mal-adroit, il a tué son délicieux mignon ?

LA MARQUISE.

Comment donc ? tu sais la fable ?

HECTOR.

Pourquoi non, Madame ? J’ai eu l’honneur de vous dire que l’on m’avait donné de bonne heure une bonne éducation, et que j’ai continué de m’éclairer.