Page:Nerciat - Félicia.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vers les douceurs dont j’étais enivrée. Quand je repris connaissance, j’étais tout à fait au pouvoir de l’amoureux prélat ; je fus agréablement surprise de n’éprouver qu’une très légère douleur. Elle céda bientôt à la sensation la plus délicieuse, qui, croissant par degrés, me mit hors de moi. Pour lors je rendis, par l’instinct seul de la nature, baiser pour baiser, effort pour effort ; et quand nos ravissantes fureurs se ralentirent, quelque heureux qu’eût été monseigneur, il ne pouvait l’avoir été plus que moi.




CHAPITRE XXVII


Réflexions qu’on pourrait omettre sans perdre le fil de l’histoire.


On se fait aisément un système quand l’expérience vient de bonne heure à l’appui des principes dont on inclinait à le composer. Me trouvant, dès mon début, à même de mettre en pratique les sages conseils de Sylvino, je reconnaissais qu’en effet, sans la plus grande aptitude à se prêter à tous les événements qu’occasionne la multiplicité des ressorts qui meuvent la machine sociale, on y froissait continuellement quelqu’un, ou l’on en était soi-même froissé.

Monseigneur me quitta, en disant que pour la bonne édification de sa maison, il ne découchait jamais. À peine fus-je seule que je tombai dans une rêverie profonde et je me dis à moi-même : « Où en serais-je maintenant, si ma passion pour l’aimable d’Aiglemont ne me permettait pas d’endurer le supplice de le savoir à l’heure même dans les bras de Sylvina ? Et quel rôle pitoyable n’aurais-je pas joué vis-à-vis de Sa Grandeur si, après lui avoir permis ce qu’il faisait il y a deux jours, j’avais fait aujourd’hui la bégueule, pour