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avait toute ma confiance. Je le crus digne de recevoir mes épanchements et ne doutai pas qu’il ne m’expliquât d’une manière satisfaisante quels pouvaient avoir été les desseins du docteur. Le pis-aller était de rire ensemble des soufflets, et cela valait toujours bien la peine de jaser.

Tout concourut à favoriser mon petit projet de bavardage ; Sylvina, témoin ce jour-là de toutes mes leçons, ne le fut précisément point de celle de Belval. Elle avait à écrire, à Béatin peut-être. D’ailleurs Belval, coquet personnage, faisait une espèce de cour, qu’on tolérait, malgré la dévotion ; il pouvait en conséquence n’être pas suspect. Quoi qu’il en soit, Sylvina nous laissa seuls.

Aussitôt qu’à travers la serrure je la vis la plume à la main, j’entrai en matière, non sans beaucoup rire d’avance de certaines particularités qui se retraçaient vivement à mon imagination. Cependant Belval, à qui je croyais faire partager ma joie, ne riait point ! Je voyais au contraire sa physionomie se rembrunir un peu ; cela me fâcha. — Quoi donc, monsieur Belval, lui dis-je, cette aventure ne vous paraît pas tout à fait plaisante ? — Je vous demande pardon, mademoiselle… Elle est des plus singulières. — Savez-vous qu’il était à peindre aux genoux de ma tante ? — Oh ! je le crois : ces animaux-là… sont très gauches… oui ! cela devait être fort risible. — Mais vous ne riez cependant pas de bien bon cœur ? — C’est que je pensais… continuez… cela devait faire un bel effet. — Rien de plus original. — Il était, dites-vous, à genoux ? Comme me voilà ? — Précisément. — Mme  votre tante assise ? — Voilà comme elle était (et je m’assis). — Bon, et vous dites qu’il avait une main… là ? sur sa gorge, le fripon. — Oui. Mais monsieur Belval, cette imitation n’est peut-être pas nécessaire. — Bon ! vous n’y pensez pas, rien de plus innocent ; et l’autre main du docteur… ici ? — Ah ! Belval, qu’osez-vous ?

C’est qu’en effet la main du petit danseur avait, comme un éclair, pris la même route que celle du docteur avec Sylvina. Je ne m’étais pas attendue à cette licence ; il par-