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avait résisté plus longtemps au besoin de leur donner l’essor.




CHAPITRE XV


Fin de mes peines. — Comment j’en suis enfin dédommagée.


Mon nouvel amant ne ressemblait que par les beaux côtés à ceux qui m’avaient fait leur cour jusqu’alors : aussi bien de taille et de figure que d’Aiglemont ; aussi caressant que Monrose, il n’était ni aussi léger que l’oncle et le neveu, ni aussi grave que l’Anglais, ni aussi neuf que mon jeune élève. Le marquis était doux, tendre, sans amour-propre, craignait toujours de déplaire, et ne faisant cependant rien qui ne fût à propos ; empressé, capable des plus petits soins, et amusant ; il possédait encore mille talents agréables.

Cependant, quelque vif que fût mon goût pour cet homme charmant, je ne tardai pas à m’apercevoir qu’il me témoignait beaucoup plus d’amour qu’il n’était à mon pouvoir de le lui rendre. Il me faisait regretter de n’être pas assez sensible ; je remettais en question : « s’il est plus heureux d’aimer légèrement, de changer souvent de goût et de plaisir, ou de n’exister que pour un seul objet, de lui vouer toutes les facultés de son être. » J’avais été partisan du changement, je souhaitais maintenant pouvoir me fixer ; mais, réfléchissant sérieusement aux motifs secrets de ce nouveau désir, je reconnaissais avec douleur qu’il n’était lui-même qu’une modification de l’amour de la variété. Je me persuadai donc que, née pour voltiger de caprice en caprice, pour tout effleurer, sans m’attacher à rien, je ferais d’inutiles efforts pour répondre à la passion d’un jeune marquis par une passion aussi forte, aussi exclusive. Je me flattais, au reste, que puisqu’il s’était assez facilement con-