devant y faire un voyage avait promis à son ami de lui rendre là-bas tous les services qui dépendraient de lui. Le comte désirait de savoir ce qu’étaient devenus des parents éloignés qu’il espérait d’intéresser encore en sa faveur ; ce que ses parents pensaient de son père, s’ils soupçonnaient celui-ci d’avoir, en effet, commis le lâche assassinat dont on l’avait accusé. Le marquis n’ayant rien épargné pour bien remplir la commission dont il s’était chargé, rapportait les nouvelles les plus satisfaisantes. Le nègre scélérat qui avait causé le déshonneur et la mort de ses maîtres étant lui-même à son dernier moment avait fait appeler ces parents en question et il leur avait déclaré ses crimes. Cependant, ces gentilshommes, pauvres et sans ambition, vivant obscurément à la campagne, s’étaient contentés de faire recevoir par deux notaires les aveux du malheureux nègre et n’avaient pas jugé à propos de les rendre publics ni d’entreprendre à leurs frais de faire réhabiliter la mémoire de leur parent. Ils ignoraient surtout que son fils existât encore ; mais l’apprenant, leur honneur et leur attachement se réveillèrent ; ils promirent de sacrifier tout ce qu’ils pouvaient posséder au devoir d’aider l’infortuné rejeton à justifier son digne père.
La faiblesse du comte ne permettait pas que son ami lui annonçât sans précautions d’aussi importantes nouvelles. Nous tînmes donc conseil et fûmes d’avis qu’il était d’autant plus nécessaire de ne les lui apprendre que par degrés, que l’excès de sa passion pour Mme de Kerlandec pourrait augmenter au point de lui devenir funeste dès qu’il se connaîtrait des titres suffisants pour prétendre à l’épouser.
Cependant, si le marquis avait fait à merveille les affaires du comte, il avait en revanche tout à fait gâté les siennes. Sa dame de province n’aimait apparemment pas les interrègnes ; elle avait pris, en attendant qu’il revînt, un représentant, ne laissant pas de soutenir dans ses lettres au marquis le rôle de l’amante la plus fidèle et d’entretenir de la sorte l’amour dont il brûlait de la meilleure foi du monde. Il espérait de la surprendre agréablement en arri-