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lente passion dans le cœur d’une jeune Romaine de haute naissance et d’une grande beauté. Ravi de son bonheur, mais peu amoureux lui-même, il avait mis fin à sa brillante aventure ; cependant, colorant bientôt son indifférence de prétextes spécieux et ayant effrayé son amante des dangers d’un amour si mal assorti, il s’était éloigné et n’avait entretenu depuis, avec cette belle, aucune correspondance. De retour à Rome, il fut curieux de savoir ce qu’elle était devenue : il apprit que toujours fameuse par ses attraits, elle avait épousé l’un des plus grands seigneurs de l’Italie. L’amour-propre de Sylvino réveilla ses désirs. Il rechercha la dame, et fut assez heureux pour recouvrer son ancienne faveur. Mais bientôt épris d’une cantatrice, ses feux excités se ralentirent, il ne fut plus maître de sa nouvelle passion. Il manqua de soins ou de fourberie auprès de la dame en question ; son infidélité fut soupçonnée. En pareil cas les Italiennes n’épargnent rien pour s’éclaircir et se venger. La cantatrice aimait Sylvino. Souvent il passait la nuit chez elle. Un matin, comme il en sortait, il fut assassiné.

Ainsi périt l’aimable Sylvino, tour à tour heureux et malheureux par l’amour. Croyez-moi, galants Français, si vous avez assez de mérite pour tourner des têtes femelles, demeurez dans votre heureux pays, où les amours les plus sérieuses ont rarement des dénoûments tragiques. Surtout n’allez pas exercer vos talents au delà des Alpes. Que l’aventure du pauvre Sylvino et tant d’autres dans le même genre vous rendent prudents. Là-bas, l’infidélité peut coûter la vie ; ici, elle est la source de mille plaisirs. À cet égard nous pouvons nous regarder comme les vrais sages de l’univers.