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profonde… Il se remit enfin et continua son intéressante narration.




CHAPITRE XXIX


Suite de l’histoire du comte.


« On procéda contre mon père avec la dernière rigueur. Homme de grand mérite et peu courtisan, il avait de puissants ennemis ; leur nombre l’accabla. Le peu de bien qu’il avait fut confisqué. Un honnête curé eut pitié de moi, me prit dans sa maison et me donna une aussi bonne éducation que ses minces revenus pouvaient le permettre ; mais je perdis au bout de quelques années ce charitable ecclésiastique. Mon père était mort peu de temps auparavant en Russie. Je demeurai donc seul, sans biens, sans appui, forcé de saisir la première occasion que le hasard pourrait m’offrir de me procurer les moyens de subsister. J’étais encore trop jeune et trop petit pour me faire soldat. Le bon curé m’avait laissé quelques louis ; je me rendis à Lorient, où je m’embarquai pour les Indes, sans autre dessein que celui de fuir une odieuse patrie.

« Cependant, écrivant passablement et ne manquant pas d’intelligence, je me rendis nécessaire à bord, et m’étant acquitté de diverses fonctions avec succès, je gagnai l’estime et la confiance des officiers.

« Je supprime des détails inutiles. Au bout de quatre ans, je revins avec une assez bonne somme, formé, instruit, et à même de pousser ma fortune ; mais le destin devait s’y opposer : il me préparait, sous un tapis de fleurs, un piège où je devais me précipiter, pour être à jamais malheureux.