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je vais prouver… Non, ce qui prouve mieux que tous les raisonnements du monde que, sans doute, mon système est passablement bon, c’est que malgré ma légèreté, je n’ai perdu aucun de mes adorateurs. Ils sont toujours demeurés mes amis. Il est vrai que je n’ai jamais fait de mauvais choix. Je ne parle pas des songes qu’on nomme passades.

Me voici maintenant élevée, par l’amour et la volupté, à un certain rang parmi les protégées de Vénus ; mes traits et ma taille touchent au dernier degré de leur perfection, et mes talents à leur maturité, Je me vois indépendante et si je veux y consentir, propriétaire d’un bien solide qui me met pour jamais à l’abri de certaines disgrâces, dont la seule crainte doit empoisonner les plus beaux moments d’une jolie femme qui fonde ses ressources sur des charmes et sur les passions qu’ils peuvent inspirer. C’est un grand point ; car surtout pour les femmes de plaisirs, c’est l’aisance seule qui fixe le bonheur et même le mérite. Telle qui, dans une situation brillante, a de l’esprit et des manières nobles, et reçoit, pour ainsi dire, un nouveau lustre des propres effets de sa perfection, peut, après un revers de fortune ou de figure (celui-ci entraîne nécessairement le premier), elle peut, dis-je, ne se ressembler plus. L’esprit tarit, l’âme se rétrécit, des sentiments vils remplacent ceux qui la faisaient admirer dans des temps plus heureux. Écrasée enfin sous le poids de la misère et de la honte, on la voit quelquefois s’abaisser au plus dur esclavage auprès de quelque nouvelle nymphe que le caprice vient de jeter dans la carrière. Je suis compatissante. Combien de fois mon cœur n’a-t-il pas saigné de voir, à l’issue d’une petite vérole, ou de quelque chose de pis, telle femme, que tout Paris avait adorée, devenir tout à coup méconnaissable, et, dans le costume du plus bas peuple, servir quelque créature vulgaire, recruter pour celle-ci des gens sur lesquels autrefois elle n’eût pas daigné laisser tomber un regard. Loin de nous ces objets affreux. Mes yeux s’y étaient rarement arrêtés ; les bontés de Sylvina et de son époux, et la perspective de succéder un jour à leur