Page:Nerciat - Félicia.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sylvina elle-même ayant sollicité son exil, il avait été forcé de s’éloigner.




CHAPITRE XXV


Hors-d’œuvre à peu de chose près.


Est-ce un songe, madame ? me dit mon malade presque aussitôt qu’il put parler. Par quel miracle me trouvé-je enfin parmi des êtres sensibles, moi qui depuis si longtemps… Je vis !.. et c’est vous… vous que je ne connais point, mais qui êtes pour moi l’objet du plus étrange étonnement ! — Je vous entends, monsieur. Ce portrait qu’on a trouvé près de vous… certaine ressemblance… — Elle est frappante. Mais vous avez un cœur compatissant et la cruelle de Kerlandec… — Un chirurgien habile que Sydney avait envoyé de Paris, et qui ne bougeait d’auprès du blessé, remarqua que cet entretien causait trop d’émotion au malade. Il me pria de m’éloigner. — Je ne doute plus, Félicia, me dit le chevalier, que je rencontrai en sortant, et qui ne prenait pas fortement à cœur l’état de notre infortuné, je ne doute plus qu’après avoir guéri cet aventurier, il ne faille retenir le docteur pour vous-même. Vous voilà concentrée dans la tristesse, hospitalière en forme, pénétrée de l’air malfaisant de la chambre d’un malade ; nous aurons bientôt la douleur de vous voir l’être à votre tour. Quelque fièvre opiniâtre, ou tout au moins quelques sombres vapeurs seront le fatal salaire de vos empressements charitables. Plus de plaisir ! plus de volupté : quel oubli de la nature ! quelle contagion du malheur ! vous me feriez devenir de bronze ! De la sensibilité, ma chère Félicia ; mais jusqu’à l’oubli de vous-même exclusivement.