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Monrose, qui, les premiers jours, avait paru un peu triste, commençait à se dérider : il me cherchait, et ne voulant pas le désobliger je fis naître l’occasion de me trouver en particulier avec lui. — Ma chère Félicia, me dit-il, vous devenez inaccessible pour moi. J’ai tenté plusieurs fois de me rendre auprès de vous la nuit, mais vous êtes toujours impitoyablement barricadée, cela est bien cruel ! — Cher Monrose, répondis-je avec un peu de fausseté, je ne puis vivre avec toi, chez sir Sydney, aussi librement que je le faisais à Paris. Nous étions chez nous, mais nous devons des égards à un étranger qui nous reçoit ; il serait malhonnête… — Quel conte, ma bonne amie ! Toutes nos dames ne sont pas aussi scrupuleuses… et je vous dirai que, si je pouvais vous être infidèle, je saurais bien avec qui passer des nuits que je trouve d’une longueur insupportable depuis que nous sommes ici, etc.

Nous étions dans un lieu favorable. Monrose me priait de si bonne grâce d’adoucir ses peines !… j’avais le cœur trop bon pour le lui refuser. Le pauvre enfant usa de ma complaisance en affamé. Cette fois je ne le taxai point. Cette précaution devenait inutile, puisqu’il prenait fantaisie à quelque autre femme d’essayer du charmant jouvenceau. — Puis-je savoir, lui dis-je pendant un entr’acte, de qui tu es ainsi recherché ? — Devinez. — De Sylvina ? — Non. — De notre ami Dorville ? — Point du tout. — Ce sera Mlle Thérèse ! — Encore moins. Mais ma voisine, Mme de Soligny, pourquoi ne voulez-vous donc pas y penser ? Elle est charmante, et vous conviendrez que cela serait bien commode.

À la vérité, il ne m’était pas venu dans l’idée de soupçonner cette belle, qui, m’ayant l’air d’être d’un gros tempérament et fort libertine, ne semblait pas devoir jeter son dévolu sur un enfant. Mais en amour tout n’est-il pas caprice ?

Milord Kinston, cet Anglais amant de la Soligny, buvait volontiers le soir ; et, à l’heure de se retirer, il avait ordinairement plus besoin de dormir que de caresser sa maî-