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Kingston ; d’une très belle femme, dont celui-ci prenait soin, et qui se nommait Soligny ; de Monrose, de Mme  d’Orville, que nous voyions beaucoup et dont sir Sydney faisait cas ; enfin de Sylvina et de moi. Il s’agissait d’inaugurer gaiement la nouvelle acquisition et de demeurer là tant ou si peu que bon nous semblerait.

Sydney nous avait précédés, accompagné de cuisiniers, d’officiers, de musiciens, en un mot de tout ce qui pouvait contribuer à nous faire passer des jours agréables. Thérèse, qui, dès notre retour à Paris, avait commencé les remèdes, se trouvait en état de nous suivre ; nous l’amenions, parce l’air de la campagne devait lui être salutaire. Elle était devenue plus fraîche et plus jolie que jamais. Nos compagnes de voyage avaient chacune un laquais. Les hommes n’amenaient de même que très peu de monde. Quand on se propose de s’amuser, il vaut mieux être un peu moins bien servis et plus libres. La colonie partit au jour indiqué.

Un guide nous attendait près d’un monument remarquable qui touchait la grande route et servait de limite aux possessions de sir Sydney. Ce monument était un groupe composé de deux statues de main de maître, placées sur un large piédestal et qui se tournaient le dos, l’une regardant du côté par lequel nous arrivions et qu’on prenait d’abord pour une Diane, représentait la Défiance. Elle était debout, élancée, l’œil furieux, menaçant, prête à décocher un trait ajusté sur un arc ; à côté d’elle, un dogue furieux semblait vouloir se ruer sur les passants. On avait gravé sur la table du piédestal : Odi profanum vulgus. L’autre figure, qu’on ne voyait en face qu’en revenant de chez sir Sydney, était assise et représentait l’Amitié, témoignant par son regard et son geste le déplaisir qu’elle avait de voir les amis de Sydney quitter sa campagne. Un épagneul placé sur les genoux de l’Amitié marquait par des mouvements très expressifs qu’il connaissait les gens et voulait descendre pour les aller caresser. Au bas, on lisait : Redite cari.

On entrait dans un bois touffu par une route aussi soigneusement entretenue que l’allée d’un jardin, mais