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entendre le français : c’est donc sur nous que tombait en entier l’ennui des honneurs que l’on nous rendait. Sylvina se ruinait en politesses et remerciements ; j’avais de l’humeur. Thérèse rechignait encore mieux, honteuse du désordre de son ajustement, qui ne publiait que trop qu’il lui était arrivé quelque chose de particulier. Le jeune homme était à peindre, transporté, répondant de tous côtés avec une gaieté vive, délicieuse ; cependant nous ne savions ni qui il était, ni ce que nous ferions de lui. Il n’était pas plus au fait de ce qui nous regardait ; mais il n’en avait pas moins l’air d’avoir passé toute sa vie avec nous.

Enfin, les voitures furent attelées. L’Anglais fit un présent au cabaretier et jeta quelque argent au peuple, en reconnaissance de l’intérêt qu’il paraissait prendre à notre aventure. Nous partîmes à travers une huée de vœux et de bénédictions.




CHAPITRE III


Histoire de Monrose. — Ses singuliers malheurs.


Nous désirions bien vivement de savoir qui était ce charmant jouvenceau que le hasard nous faisait enlever. Il alla de lui-même au-devant de notre curiosité, et montrant beaucoup d’assurance, toutefois sans effronterie, il s’ouvrit à nous à peu près dans ces termes :

« — Vous trouvez sans doute bien étrange, mesdames, que je me sois ainsi faufilé sans avoir l’honneur d’être connu de vous ; et quoique vous m’ayez surpris en si mauvaise compagnie, je vous prie cependant de croire que je ne ressemble en rien aux scélérats avec qui je me trouvais. Je suis un infortuné, sans ressources ; je sais que je suis gentilhomme, mais livré dès l’enfance à des mains merce-