Page:Nerciat - Félicia.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son âme atroce quand le père Fiorelli rentra. Le crime de son amie fut regardé comme un acte de démence et n’eut aucune suite.




CHAPITRE XXIX


Qui fera plaisir aux partisans de monseigneur et de son neveu.


D’Aiglemont vint nous voir aussitôt qu’il sortit de la maison fatale. Le récit de son aventure nous glaça d’effroi. Que je sentis bien dans cette occasion importante combien j’aimais ce charmant infidèle ! j’étais si frappée du danger qu’il avait couru que je doutais encore si c’était bien lui qui me parlait ; je le touchais pour m’en assurer. Tour à tour, je versais des larmes et je témoignais une joie extravagante. Sylvina n’était pas moins affectée. Notre sensible hôtesse, malgré les griefs, donnait aussi de la meilleure foi du monde des marques d’un vif intérêt. D’Aiglemont nous rendait avec des charmants transports nos caresses empressées. Nous lui fîmes jurer de ne plus fréquenter les dangereuses Italiennes. Ses regards passionnés m’assuraient le plus éloquemment du monde que j’allais être dorénavant l’unique objet de ses hommages. Je méritais en effet cette préférence. Je valais assurément mieux que les sœurs, quoiqu’elles fussent très bien : j’avais la première fraîcheur du plus beau printemps ; susceptible de les égaler un jour dans leurs talents, j’en avais beaucoup d’autres qui leur manquaient : mon éducation était plus cultivée, j’avais plus l’usage du monde, j’étais surtout plus aisée à vivre ; en un mot, je pouvais me flatter, sans orgueil, d’être autant au-dessus d’Argentine que celle-ci me paraissait au-dessus